Voulu par Ban Ki-Moon avant son départ de la tête des Nations unies, soutenu en son temps avec conviction par les États-Unis de Barack Obama, le « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et équitables » a été adopté par les délégués de 159 pays réunis le 10 décembre à Marrakech (Maroc) en conférence intergouvernementale. Il doit être ensuite définitivement adopté lors de la prochaine assemblée générale des Nations unies, le 19 décembre.

Il faut ici souligner la visée unificatrice et pas seulement globale de ce texte. Il s’inscrit dans la perspective d’une humanisation de la mondialisation engagée par les Nations unies depuis la mise en place des « objectifs communs du développement durable » (ODD) en 2015, lui-même faisant écho aux premiers « objectifs du millénaire pour le développement » (ODM), qui avaient marqué le tournant du siècle.

Il y a bien en effet unité d’action. Comme dans le cas des ODD, il s’agit de se fixer, sur une base volontaire, un cadre d’action, de principes et d’objectifs communs, applicables par tous les États, de destination, de départ ou de transit, afin d’ordonner le mouvement incoercible d’accroissement de la mobilité humaine inhérent au processus de la mondialisation. Ce qui pour les uns aboutira au respect effectif des droits humains sera aussi pour les autres un moyen de mieux assurer la cohésion sociale grâce au respect d’une forme d’État de droit mondial.

Il y a également unité de temps, en l’occurrence, le temps long. Le pacte n’est pas contraignant. Son suivi sera confié à l’Organisation internationale des Migrations (OIM), institution liée aux Nations unies et dont l’une des principales tâches est aujourd’hui l’accompagnement des retours volontaires des migrants n’ayant pas obtenu de titres de séjours réguliers. Le processus mis en œuvre vise à l’établissement dans la durée de relations bilatérales ou multilatérales de coopération entre les États en vue de faciliter la gestion des flux de départ et d’arrivée selon des règles communes. Il concerne tout particulièrement les flux de moyenne et de courte durée, qui correspondent aujourd’hui le mieux aux intérêts mutuels de États du Nord et du Sud, comme à ceux des migrants de travail et de leurs familles.

Il y a aussi unité de lieu. Le choix de la ville de Marrakech, aux confins de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsahélienne revêt une valeur symbolique. Le Maroc, hôte de la manifestation onusienne, est entré récemment dans l’Organisation de l’Unité africaine. Il a fait depuis quelques années le choix d’être un « pays pont », charnière entre l’Afrique, la Méditerranée et l’Europe, tournant le dos à des clivages ancestraux qui ne correspondent plus à l’avenir commun des peuples.

Les clivages et les divergences qui opposent aujourd’hui au moins six États membres au reste de l’UE au sujet de la ratification, la rupture de la coalition gouvernementale en Belgique (essentiellement liée aux visées électorales du parti nationaliste flamand N-VA, qui souhaite faire front commun avec l’extrême-droite autrichienne lors des élections européennes) ne doivent pas masquer l’essentiel. La Convention européenne des droits de l’homme et sa jurisprudence ont largement imprégné la rédaction de ce pacte onusien.

Mais réciproquement l’économie générale du pacte mondial sur les migrations pourrait inspirer la mise en ordre des législations européennes sur les migrations légales de travail, comme le suggère le rapport récent de l’institut Jacques Delors (hyperlien). Le « Global compact » représente, en ce sens, pour les Européens et leurs partenaires du Sud, une référence.

Par Jérôme Vignon, conseiller à l'Institut Jacques Delors.

Disponible aussi à